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lundi, mai 07, 2007

J'ai eu peur de mourir.




22 décembre 2001

J’habitais le belle ville de Montréal depuis le mois de juillet. Les bancs de neige sales me rendaient nostalgique d’un paysage blanc immaculé, de sapins rabougris et des lacs gelés sur lesquels les enfants donnaient a cœur joint leurs premiers coups de patins. Je m’en allais passer le temps des Fêtes chez-moi, sur ma petite île charmante, au milieu des eaux de l’atlantique.

Nous avions décidé de louer une voiture pour effectuer le trajet. Une Daewoo Lanos. Avec des pneus quatre-saisons (*ne pas essayer à la maison svp). Le soleil brillait de tout son éclat lorsque nous sommes parti de Montréal. Le beau temps fût au rendez-vous jusqu’à ce que nous empruntions la route 2, qui passe à travers tout le Nouveau Brunswick. À voir l’ampleur de la tempête, la puissance des rafales, nous avons réalisé que notre périple allait être ardu.

En temps normal, se rendre aux Îles-de-la-Madeleine, en partant de Montréal, devrait prendre tout au plus 19 heures (14 heures d’auto plus 5 heures de bateau). Ça, c’est lorsqu’on roule très légèrement au-dessus des limites de vitesse. Je regarde le compteur. Nous sommes à 50 km/h et il est impossible d’aller plus vite. La chaussée est glissante, nous ne voyons rien à plus d’un mètre devant. Toutes les 10 minutes, mon conjoint devait sortir le bras dehors afin de secouer les essuie-glaces car plus la journée avançait, plus la neige voulait se transformer en verglas, ce qui rendait l’efficacité de ces derniers pratiquement nulle. Chaque bord de nous, au fond des fossés, se côtoyaient des voitures et des « 18-roues », échoués comme des épaves, incapables d’avancer. Certains étaient même renversés sur le côté. En « parfaite confiance » avec nos pneus quatre-saisons, nous continuions d’avancer à pas de tortues.

Nous avons dormi à Fredericton, priant dame nature pour que le temps ce soit calmé le lendemain matin. Nous devions être arrivé à Souris sur l’Ile du Prince Édouard pour 13h00, le traversier levant l’ancre à 14h00.


23 décembre 2001
Lorsque le réveil sonna, nous fûmes décu de constater que la situation météorologique ne s’était nullement améliorer. En vitesse, nous reprîmes la route, toujours à 50 km/h, avec une once de découragement et d’incertitude dans le regard.

Nous sommes arrivés à Souris vers 13h30. Rien de dramatique. Ce qui le fût un peu plus c’est qu’en arrivant, nous avons été informés que le bateau ne partirait pas du quai cette journée-là, même s’il n’était pas non plus parti la veille. Le temps était encore trop mauvais. Plusieurs étudiants qui revenaient dans leurs familles respectives pour Noël étaient complètement déboussolés. Ils avaient du dormir à l’hôtel la veille, ce qui n’était pas prévu dans leurs maigre budget, et ils devraient faire la même chose ce soir encore. J’ignore de quelle manière tout ce petit monde ont réussi à s’accommoder. Certains ont probablement été obligés de dormir dans leur voiture, je ne sais trop. Pour notre part, nous sommes redescendue à Charlottetown pour louer une chambre afin de revenir se pointer sur le quai à la même heure le lendemain.


24 décembre 2001
Le réveil sonne. Je m’empresse de regarder par la fenêtre. Horreur. Je ne vois absolument rien. En fait que du blanc. Tout est blanc. Je ne vois même pas la voiture, qui est pourtant stationnée à moins de 2 mètres de cette fenêtre. En hâte, nous partons pour Souris, car nous savons que ça nous prendra probablement le double du temps à y arriver.

Dans l’auto, je commence à angoisser. Nous sommes le 24 décembre. Si le bateau ne part pas aujourd’hui, impossible d’être chez-moi pour Noël car il n’y a plus de traverses avant le 27 ! Je ne veux pas passer Noël ici, merde! Pas après ce voyage épuisant et tout ce stress accumulé. Mon sourire se perd avec les kilomètres parcourus, tranquillement.

De retour sur le quai, nous attendons impatiemment des nouvelles pour la traversée. Les employés semblent dans l’incertitude la plus totale. Ils nous font attendre ainsi jusqu’à 14h30. Et tout à coup, joie, on annonce que le bateau partira bel et bien en direction de mon petit patelin.

On entre les autos, on lève l’ancre et l’on entame enfin la traversée. Je suis assise au bar, cigarette à la main. Je peux enfin relaxer. Le roulis du bateau est plus intense qu’à l’habituel, mais je suis tellement contente de partir que je n’y vois rien de très anormal. Sauf peut-être les visages de certaines personnes qui semblent vouloir prendre petit à petit une teinte verdâtre. C’est presque drôle de voir les gens chercher leur équilibre en se tenant sur les murs lorsqu’ils se déplacent.

Et puis tout à coup, ce n’est plus drôle. Du tout. Lorsque le navire penche à un point tel que les cendriers sur les tables chavirent par terre, et ce même malgré le rebord de sécurité de ces dernières. Lorsque les bouteilles d’alcool se renversent partout. Lorsque tous les gens arrêtent de parler et qu’il se regardent tous, l’air terrifié. Lorsqu’il te monte en tête la chanson du Titanic… Lorsque tu te mets à imaginer à quel point l’eau de l’océan Atlantique doit être froide en décembre.

Quel effet ça fait de se noyer ? Combien de temps s’écoule t’il entre le moment ou vous n’êtes plus capable de retenir votre souffle et ou vous avalez votre première gorgée d’eau et celui où vous perdez enfin conscience ? Par temps hivernal, meurt-t-on réellement étouffé par l’eau ou plutôt à cause de l’hypothermie ? Vous vous voyez couler. Vous voyez votre corps violacé descendre lentement dans les profondeurs glaciales. Le retrouvera-t-on un jour? Vous pensez aux familles des victimes… à votre propre famille. Quel Noël épouventable vont-ils passer.

Je suis monté sur le pont supérieur. Après avoir murmuré à mon copain que je l’aimais (j’ai vraiment pensé que c’était la dernière fois que je lui disais), je me suis couchée dans mon siège, en position fœtus. Après avoir laissé échapper une larme, j’ai fermé les yeux.

Si je suis ici pour vous réciter cette histoire, c’est que nous avons fini par accoster à destination. Je ne sais toujours pas comment mais chose certaine, je chéris maintenant la vie à chaque jour qui passe. Même les journées ou ça va moins bien. Même quand j’ai mal. Quand c’est dur. Ma vie vaudra toujours la peine d’être vécue a fond. La vôtre aussi. Il ne suffit que d’y trouver un sens. C’est un travail quotidien. Et il faut aussi quelques fois croire, ne serais-ce qu’un tout petit peu, aux miracles.

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5 Comments:

  • Ayoye!
    Intense!!
    J'en ai vu des vertes et des pas mûres sur le traversier Matane-Baie-Comeau-Godbout aussi..mais pas autant que ça!!

    By Anonymous Anonyme, at 7/5/07 13:02  

  • Pauvre toi, cela a tellement du être pénible...wow...que je ne voudrais pas vivre cela. C'est ce qui me fait peur pour lorsque j'irai aux Iles, le fameux bateau et la houle impressionnante, mais surement pas autant que celle que tu as vécu.
    Et pour ce qui est de vivre la vie pleinement et au jour le jour comme si c'était le dernier, je te comprends très bien, mieux que tu penses même. La vie est une lutte quotidienne aussi bien en profiter.
    ;-)
    xxx

    By Anonymous Anonyme, at 7/5/07 17:54  

  • Issshh ouais ca devait pas etre drole en effet .. La vie est si fragile et c'est vrai, mais on s'en rend souvent compte que qd on est sur le point de la perdre..

    By Blogger Razberry, at 7/5/07 21:41  

  • Voici un petit commentaire sans rapport avec ton billet: je la trouve bien belle ta bannière à l'entête de ton blogue! Maudit qu'est belle!

    By Blogger Gilk, at 7/5/07 22:21  

  • C'est vrai que la fatalité annoncée nous permet de savourer bien plus le quotidien...

    By Blogger Francis, at 7/5/07 22:50  

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